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Radi : médiation d’un conflit d’usage de pâturages d’altitude dégradés entre éleveurs sédentaires et migrants, à l'Est du Bhoutan
Depuis de nombreuses années, les éleveurs tibétains
de Mérak descendent l’hiver avec leurs troupeaux de yacks
et de zomos sur les pâturages de la Sheytimi dont les droits d’accès
se sont complexifiés au fil des dernières décennies.
De leur côté, les Radhips, éleveurs sédentaires
de Radi, souhaitent également faire monter leurs bovins sur une
partie de ces herbages durant le cycle rizicole estival de saison des
pluies. Cette double exploitation a conduit à une importante dégradation
du potentiel fourrager de la Sheytimi, à des escarmouches répétées,
parfois violentes, entre les deux communautés, et à des
phénomènes d’érosion des terres spectaculaires
mettant en péril les rizières en terrasses sculptant les
pentes en contrebas dans ce « bol de riz » du district
oriental de Trashigang (cf. photo ci-contre). Les plus hautes autorités
du pays ayant demandé aux services du gouvernement de trouver une
solution à ce conflit d’usage aux effets destructeurs, après
plusieurs projets peu fructueux et suite à l’expérience
pionnière de Lingmuteychu,
un atelier de modélisation participative avec les principaux acteurs
du conflit, adossé à une formation à la démarche
ComMod, fut organisé sur ce site au début de l’année
2006.
Le déroulement de ce premier temps fort est résumé ci-dessous :
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Première semaine : organisation d’une formation à la démarche ComMod et plus particulièrement à l’outil jeu de rôles au « Natural Resources Training Institute » (NRTI) de Lobeysa. Le conflit d’usage des pâturages de la Sheytimi fut largement utilisé au fil de cette formation, afin d’aboutir en fin de semaine à la proposition d’un jeu de rôles devant être utilisé sur le terrain avec les acteurs en conflit par 5 des stagiaires et le leader de l’équipe de recherche locale durant la semaine suivante.
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Seconde semaine : (i) deux premiers jours : discussions entre les chercheurs et les parties en conflit afin de préparer l’atelier proprement dit ; (ii) premier jour de l’atelier : session de jeu avec deux sous-groupes de Rhadips le matin en attendant l’arrivée des Méraks, cinq années de pâture sont jouées permettant de visualiser la dégradation des herbages ; (iii) arrivée des éleveurs Mérak et jeu d’une partie avec deux groupes mixtes de 6 éleveurs chacun, discussion de la dynamique de dégradation de la ressource ; (iv) nouvelle session de jeu avec tous les éleveurs (6 Radhips et 6 Méraks) ensemble et libre communication entre eux, l’intérêt d’une coordination entre acteurs pour la conservation de la ressource est visualisé, la journée se termine par une conception commune d’un jeu modifié à utiliser le lendemain, les éleveurs proposent une grille correspondant mieux à leur représentation de l’hétérogénéité de l’espace à gérer ; (iv) deuxième journée démarrant par une restitution des parties jouées la veille, suivie par une première séance de jeu dans laquelle les Radhips et les Méraks jouèrent séparément, un épuisement de la ressource fut rapidement simulé tandis que les stratégies contrastées des deux groupes s’exprimèrent : les Méraks jouèrent en vrais éleveurs tandis que les Rhadips tentèrent d’occuper l’espace, une discussion sur les options possibles pour la gestion des pâturages suivit et la mise en défends d’une partie des herbages acceptée; (v) une dernière partie du jeu prit place en mode collectif (cf. photo ci-dessus), avec communication entre types d’éleveurs et mise en défends chaque année de parcelles sélectionnées pour régénération de l’herbage, une gestion plus durable de la ressource fut ainsi simulée ; (vi) Le troisième et dernier jour commença par des interviews individuels des différents joueurs afin d’évaluer leur intérêt pour le jeu, son rapport à la réalité, ses améliorations possibles, etc. Puis le modélisateur montra la partie jouée la veille simulée CORMAS (voir photo ci-dessus) ; (vii) enfin une discussion plénière tenta une planification commune des tâches à accomplir afin de réhabiliter les pâturages de la Sheytimi et de stopper l’érosion des terres.
Par rapport au cas bouthanais de Lingmuteychu qui a pu se développer dans la durée, il s’agit ici de la description d’un premier temps fort, organisé dans un contexte social très tendu, mais ayant permis d’amorcer un dialogue créatif entre les parties en conflit.
Pour en savoir plus
Monographie en anglais
Karma Tashi & Thinley Wangchuk. 2006. The grazing conflict of Sheytimi : An analysis of the causes & recommendations for the future. RNR-RC Wengkhar, Council of RNR Research of Bhutan, Ministry of Agriculture.51p.
Dernière mise
à jour : 23 novembre 2009 |
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